Conduire

Pour moi, l’un des termes rimant le mieux avec « liberté » est sans doute le mot « conduire ». Pourtant, en parcourant cet article, vous comprendrez que la rime se trouve grandement appauvrie par la présence bien trop marquée du mot « patience »…

Je pourrais sans peine vous citer une petite collection personnelle de cas qui mériteraient que je les nappe d’un peu de mon fiel, mais je m’attarderai, aujourd’hui, sur une situation qui touche ma liberté de mouvement proprement dite. Vous noterez certainement toute l’ironie, à peine contenue, lorsque j’écris « proprement » en parlant d’une sale affaire… 😉 Il s’agit en fait d’une histoire qui a commencé il y a douze ans déjà, lorsque j’ai fêté mon dix huitième anniversaire. Oui, celui-là même qui, pour la plupart des jeunes adultes, rime avec de grands mots, tels que « liberté », « voyage », « découverte » ou « aventure », pour ne citer qu’eux. A cette époque, donc, je rêvais de prendre le volant d’une automobile et de parcourir les routes de notre beau pays, puis d’accélérer un peu, de sortir les ailes, de décoller et d’aller faire le tour de la Lune avant de reven… DRIIIIIINNG ! Le réveille-matin sonne toujours au milieu des plus beaux songes ! 🙁

Ayant toutefois pour habitude d’essayer de réaliser mes rêves, j’ai contacté LE spécialiste suisse de la transformation d’automobiles pour personnes handicapées, recommandé par l’Assurance Invalidité. Son garage se situe en Suisse allemande, à 300 km de chez moi mais, ayant la chance d’être bien entouré, j’ai trouvé le moyen d’aller rencontrer ce fameux spécialiste. L’entretien s’était très bien passé et c’est donc rempli d’espoir que je suis rentré à la maison. J’ai ensuite contacté le Service des Automobiles pour m’enquérir des différentes formalités administratives à remplir. On m’a alors demandé d’aller passer une visite médicale chez un médecin agréé par les autorités compétentes, afin qu’il puisse déterminer si j’étais apte à conduire un véhicule et, évidemment, à m’intégrer dans le trafique. Cette visite s’est également bien déroulée, puisqu’elle n’a duré que dix minutes et s’est soldée par la même conclusion que celle du technicien rencontré en Suisse alémanique, à savoir : « Monsieur, vous souffrez certes d’un lourd handicap physique mais, à partir du moment où votre véhicule est adapté à vos capacités, la conduite automobile se pratique avec la tête, et vous disposez-là de toutes les aptitudes nécessaires. »

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, me direz-vous ! Eh bien malheureusement non, car j’ai aujourd’hui 30 ans, une femme enceinte, un appartement et une brosse à dents, mais pas de voiture ! Pour être tout à fait précis, je devrais dire que j’ai acheté un véhicule il y a cinq ans déjà, mais il stagne dans le parking du transformateur précédemment cité, en attente d’être adapté à mon handicap. Oh bien sûr, certaines petites choses telles que l’automatisation de la porte coulissante latérale ou la pose d’un lift ont déjà été réalisées, mais je ne conduis toujours pas !

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Vous vous demandez sans doute pourquoi ce projet n’est pas encore réalisé ? Selon moi, une grande partie du retard pris est dû au fait que le technicien donne la priorité aux cas les plus simples, et donc les plus lucratifs. L’ex-étudiant en géographie que je suis aime à penser également que la barrière non seulement géographique, mais aussi linguistique, joue un rôle dans cette affaire… Maintenant, à la décharge du spécialiste suisse allemand que j’apprécie beaucoup en tant qu’être humain et avec lequel j’entretiens des relations très sympathiques depuis douze ans, je dois dire que les choses ont un peu évoluées ces derniers mois. Le technicien a mis au point un dispositif de direction, qui s’est malheureusement avéré trop dur pour la force physique dont je dispose. Aussi, nous avons dû nous rendre à l’évidence qu’il fallait un système nécessitant encore moins de puissance musculaire. Nous avons alors envisagé une solution de commande par joystick, qui se pratique déjà en Allemagne notamment, mais qui coûte très cher et qui ne devrait être homologuée par les autorités fédérales que dans plusieurs années… Il existe cependant un nouvel espoir depuis l’automne 2002, grâce à un système beaucoup plus simple et donc meilleur marché que le joystick. Il s’agit d’un petit module mécanique très fiable et qui semble correspondre exactement à ce dont j’ai besoin. Reste maintenant à effectuer des testes, si le fameux technicien veut bien s’en donner la peine…

En conclusion, vous comprendrez que je n’ai d’autre choix que de m’en remettre à la bonne volonté des autres, tout en gardant le minimum d’optimisme et de diplomatie qui me préservent du très à la mode « pétage de plomb ». Il se trouve, néanmoins, que j’ai réalisé plus de soixante fois le déplacement de 300 kilomètres pour aller chez le spécialiste en Suisse allemande et, ceci, à mes frais et grâce à la gentillesse de ceux qui m’ont accompagné. Il s’agit là d’une perte de temps et d’argent très importante, sans parler de la dépréciation de mon véhicule, du retard que prend mon développement professionnel ou des simples moments de la vie quotidienne qui nécessitent l’utilisation d’une voiture, qui plus est lorsque les transports publiques vous sont inaccessibles.

Affaire à suivre…

Jenri

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